Mariée au pianiste français Jean-Marie Cottet, Judy Chin [秦蓓慈] est professeur et concertiste en France. Ses filles franco-taiwanaises de 14 et 12 ans sont elles aussi des musiciennes au talent prometteur
Judy Chin parle vite, le français, l’anglais, l’allemand, le mandarin. Elle parle vite et si un mot allemand vient parfois remplacer son équivalent français, elle se reprend sans attendre. Née Taiwanaise, Judy Chin se révèle rapidement une enfant surdouée en musique. Très jeune, ses parents l’envoient étudier à Salzbourg, la ville natale de Mozart. Au plus loin qu’elle pousse sa mémoire, c’est toujours assise devant un piano qu’elle revoit l’enfant qu’elle était. « Je n’ai pas de souvenirs d’enfance comme les autres petites filles. Il fallait toujours travailler le piano. Ma mère l’enseignait, et mes trois grandes sœurs y étaient passées avant moi. » Des mots qu’elle prononce sans regret, sans la moindre amertume.
La mère donne des cours de piano, le père, chimiste de formation, travaille dans l’administration et la famille Chin ne roule pas sur l’or. « Pour mes parents, il fallait que les enfants réussissent à tout prix et plutôt dans la musique qu’ailleurs. » Alors, le temps qui aurait du être dévolu aux devoirs scolaires se retrouve sacrifié au profit de longues heures consacrées encore et encore aux gammes.
Robert Scholz
Après les rudiments prodigués en famille, la formation de Judy est prise en main par Robert Scholz. Ce pianiste autrichien a choisi de s’installer à Taiwan après avoir fui le nazisme et être passé par les Etats-Unis. La petite a six ans, et le professeur discerne en elle un tel don qu’il interdit formellement qu’un autre que lui intervienne dans sa formation. Elle sera sa disciple de 6 à 14 ans. Pour les parents Chin, pendant toute cette période, seul comptera le piano et son corollaire, le travail toujours recommencé. Aux yeux de la fillette, c’est un labeur, elle n’y trouve pas de plaisir. Mais pour l’heure il faut obéir, l’amour de la musique viendra plus tard. Et il sera au rendez-vous.
Yehudi Menuhin, Alexis Weissenberg, Maria Curcio
Revenant sur son parcours artistique, Judy Chin revoit le prestigieux Mozarteum de Salzbourg où elle a étudié, puis enseigné, avant de rejoindre en 1988 Paris et le Conservatoire supérieur, rue de Madrid. Elle revoit aussi des visages, ainsi celui de Yehudi Menuhin, le magnifique musicien new-yorkais d’origine russe. Elle mêlera les notes de son piano à celles du violon et de l’archet du vieux maître auprès duquel elle joue lors d’un concert qui ne quittera jamais sa mémoire. Un autre monstre sacré, Alexis Weissenberg, lui enseignera son art. Weissenberg, décelant chez Judy un don évident, la recommande à Maria Curcio. « Cette musicienne, explique Judy, est sans doute la personne qui a le plus compté dans ma formation. »
Les plus grands pianistes actuels sont passés chez Marcia Curcio, musicienne et pédagogue hors pair. Mais celle-ci vit à Londres, et pendant 3 ans, après son doctorat sur Berlioz obtenu à Munich, Judy va passer une partie de sa vie dans les trains. Elle ne compte plus les allers-retours entre Salzbourg et la capitale britannique. Cette proximité avec Maria Curcio aura bien sûr une grande influence sur la musicienne mais aussi sur le professeur de piano qu’elle était déjà au Mozarteum de Salzbourg, sa ville d’adoption.
Jean-Marie Cottet
Depuis plusieurs années, Judy Chin participe à travers toute l’Europe à des concours de piano. Et à plusieurs reprises, elle croise sur son chemin un jeune pianiste français qui lui dispute régulièrement les premières places. C’est un jeune homme mince, souriant et sympathique. En 1984, un ami commun les présente l’un à l’autre lors du concours international de Genève. Il s’appelle Jean-Marie Cottet. L’année suivante, à Londres, les deux jeunes pianistes se retrouvent assis côte à côte lors d’un dîner organisé par Maria Curcio. « Après la Suisse et l’Angleterre, c’est en Sicile que nous nous sommes enfin vraiment rencontrés, raconte Judy avec un grand sourire. En descendant de l’avion, je vais à l’arrêt de bus. Et là, il y avait un jeune homme qui attendait. C’était lui. On avait voyagé dans le même avion sans se voir. En discutant, on s’est aperçu qu’on était venu en Sicile avec en tête la même ferme intention d’y remporter le concours. »
C’est sur cette île de la Méditerranée que la concurrence va laisser la place à la complicité puis à l’amour. Ils ne se quitteront plus.
Chin-Cottet
Nous sommes en 1988, et il ne faudra plus longtemps pour que le jeune couple Chin-Cottet forme un duo. Judy quitte Salzbourg et s’installe à Paris. Désormais, le duo existe. Il joue soit à deux pianos soit à quatre mains. La vie s’organise entre les cours, les concours et les concerts en France, en Autriche et à Taiwan. Dans les trois pays, les récompenses et les critiques élogieuses se multiplient. Judy enseigne au conservatoire de Paris, et l’été le couple participe à des festivals doublés de masterclasses. Après des années en Alsace, ces rendez-vous estivaux ont pour cadre Courchevel et Nice. Pour Judy, c’est aussi l’occasion de poursuivre son enseignement dans le respect de celui qu’elle a reçu depuis sa plus tendre enfance, de Robert Scholz à Maria Curcio.
Caroline et Isabelle
Le duo donnera naissance à de somptueux moments musicaux et à quelques CD. Le couple ne sera pas en reste : deux filles naissent, Isabelle en 1990, Caroline en 1992.
Les trois premières années d’apprentissage au piano d’Isabelle se passeront aux côtés de sa mère. Un enseignement efficace puisque, depuis l’âge de 8 ans, la fillette engrange les concours internationaux. Isabelle dispute et remporte à 14 ans des compétitions dont la majorité des participants affiche jusqu’à 6 ans de plus qu’elle.
Elle travaille dur, mais jamais au point de sacrifier son âme d’enfant, Judy y veille. « Je veux que mes filles aient des souvenirs d’enfance ! »
Caroline, 12 ans, faillit à la tradition familiale. Elle ne veut pas entendre parler de piano. Ce n’est pas pour autant qu’elle rejette la musique, bien au contraire ! C’est au violoncelle qu’elle a choisi de se consacrer, et son assiduité commence à payer.
Musique militaire et contemporaine
Judy Chin est aujourd’hui dans la pleine maturité de son expression musicale, et elle a décidé de multiplier les expériences même dans des domaines inattendus comme la musique militaire. Elle travaille avec des orchestres contemporains avec le philharmonique de Radio France et l’Orchestre de Paris aussi bien qu’avec la musique de l’Armée de l’Air.
Jean-François Mineau
©Jean-François Mineau, 2005
Images aimablement fournies par Judy Chin
Prochains événements en 2005 :
Janvier 2 concerts avec orchestre, Issy-les-Moulineaux
(au programme Ginastera et Debussy)
Masterclasses à Bordeaux
Février Jury, concours du Conservatoire à Paris,
concours de Chatou
Mars Concert du Lions Club, château de Ville-d’Avray
(Hauts-de-Seine)
Jury au concours international de Mérignac